Encore un excellent livre à glisser discrètement parmis les livres de recettes !
Si vous étiez à court d’idées pour le réveillon !
Parfait !!
Nooon, Rémy…
There’s a Québec recipe book by Jehane Benoit for squirrel.
Je me demande quand même qui mangeait ça. Était-ce un plat qu’on trouvait un peu dans tout établissement bordelais, ou plutôt un truc de classe populaire -voire des plus démunies.
Pour les établissements bordelais, je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c’est que pendant le siège de Paris, tout le monde a mangé des choses un peu inhabituelles. Les plus riches pouvant se permettre de manger des animaux
du zoo de Vincennesde la ménagerie du Jardin de l’Acclimatation. Il y a même eu une inflation dingue sur certains produits.

Voir, entre autres, l’article Rats, chiens et éléphants : comment Paris assiégé mangea l’interdit.
On y apprend que la viande de chat n’était pas très prisée, contrairement à celle de chiens.
Concernant la viande de rats :Un marché spécialisé s’organise sur la place de l’Hôtel de Ville, des membres de l’Académie des sciences s’y réunissent pour une dégustation à l’aveugle. La viande de rat sera jugée la meilleure et c’est tant mieux car les Français devront s’y habituer tout au long du siège mais aussi plus tard durant la Grande Guerre. Le rat se prépare grillé accompagné d’échalotes ou en terrine. Le Chef Thomas Génin en propose une version enrichie de graisse et de chair d’âne mais c’est chez le célèbre Alexandre Choron au restaurant Voisin que se trouve la meilleure, une terrine de rats aux pistaches, fine champagne et accompagnée d’une salade de cresson.

Cependant,
Les oiseaux représentent une alternative plus convenable pour la bourgeoisie pétrie de honte à l’idée de manger de ce suburbain rongeur.
Entre les mentions du siège de Paris et de la première guerre mondiale, j’ai bien l’impression que le rat était un plat de disette…
Sur Gallica, on trouve l’ouvrage Les menus d’un restaurant de Paris durant le siège : préface d’analogie passionnelle sur les malheurs de la France, par Berte aîné, 1872.
MàJ : correction du nom du Zoo.
Cuissot de loup, sauce chevreuil.
Quel ironie
zoo de Vincennes
Alors, non. Le zoo du bois de Vincennes a été créé dans les années 1930, juste après l’Exposition coloniale de 1931. J’imagine que tu voulais plutôt parler de la ménagerie du Jardin de Plantes ?
Je vais sauter soixante ans en avant et partir en hors-sujet complet, mais ce coin de Paris compte de nombreux vestiges de cette exposition. De mémoire :
- les pavillons du Togo et du Cameroun reconvertis en temple bouddhiste tibétain ;
- le monument à la mission Marchand ;
- les décors du Jardin d’agronomie tropicale ;
- une très grande statue de « la France apportant la paix et la prospérité aux colonies » (rien que ça) ;
- plusieurs rues avec des noms, euh, « datés » : avenue du Général-Laperrine, rue Marcel-Dubois, avenue du Général-Dodds, place du Cardinal-Lavigerie ;
- et bien sûr le Palais de la porte Dorée, avec son aquarium tropical créé pour montrer aux visiteurs les poissons des colonies, et son immense bas-relief de façade qui parle de lui-même.
C’est un coin très « riche en propagande », qui est fort intéressant à visiter sous cet angle pour se confronter à l’histoire coloniale de la France. J’ai découvert tout ça il y a une dizaine d’années et ai trouvé ça assez brutal à l’époque, mais la plupart de ces machins sont peu ou pas contextualisés sur place (à moins que ça ait changé ?), donc il vaut mieux se documenter a priori.
L’Exposition coloniale comprenait un zoo, mais celui-ci était temporaire et situé dans un endroit un peu différent, au sud-est du lac Daumesnil d’après ce plan. Le zoo actuel avec son gros « rocher » a été construit dans les années suivant l’Exposition, et c’est un des établissements du Muséum national d’histoire naturelle, comme la ménagerie du Jardin des Plantes.
J’ai confondu le zoo de mon enfance et celui la commune de 1871, pardon !
Apparemment, ce n’était pas la ménagerie du Jardin des Plantes mais celui du Jardin de l’Acclimatation !
Le Jardin des Plantes est une institution scientifique et les scientifiques qui en ont la charge et la direction l’ont préservé autant que possible. Les serres ont bien été détruites par le bombardement prussien de la nuit du 8 au 9 janvier 1871, mais pas les éléphants…
Source : Non, la Commune n’a pas… (4) Éléphants
Selon ce billet de blog, l’erreur vient de la presse anglaise d’époque. Encore les rosbifs !
Le mieux est de donner la parole au reporter du Rappel, le 23 mars 1871:
« Les éléphants, les hippopotames, les rhinocéros, les bisons, les buffles, les zébus, les yacks, etc., qu’on avait dits passés de l’état d’herbivores à l’état de rosbeefs, se portent généralement fort bien. Ils ont bien un peu souffert de la mauvaise qualité de la nourriture et de la rigueur de l’hiver; mais au total trois ou quatre au plus sont morts de maladie. Les éléphants, buffles, etc., tués et mangés provenaient du jardin d’acclimatation. »
Ha, le blog de la très récemment défunte Michèle Audin. :-( J’espère qu’il va rester en ligne. Quelques années plus tard, elle dit dans cet article que la confusion est probablement due au fait que des locataires du jardin d’Acclimatation — dont les deux éléphants en question — ont été hébergés au Jardin des Plantes pendant le siège. Les Anglais sont pardonnés ?
J’ai trouvé dans un autre de ses articles une recette de siège qui semble aux portées de mes compétences culinaire et de ma bourse : la soupe à l’oignon sans oignon :
Faites fondre de la graisse dans une poêle; prenez des tranches de pain, que vous ferez fortement roussir; ajoutez eau nécessaire, sel, et versez sur votre pain coupé par tranches.
Elle provient du livre La Cuisinière assiégée, qui est consultable sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5441858b
Bon, ok les anglais, on vous pardonne !
Elle a l’air un peu fadasse cette soupe… Mais on fait avec ce qu’on a. Je vais feuilleter cet ouvrage avec un peu plus d’attention pour mon menu de Noël.
Dans le livre Les menus d’un restaurant de Paris durant le siège : préface d’analogie passionnelle sur les malheurs de la France, 1872, on trouve des menus de restaurants par date chronologique avec notamment les prix payés, qui reflètent l’inflation. Et aussi pas mal de références à des animaux provenant du Jardin des Plantes. Il faut savoir !
On y trouve le prix du rat : 0,75 francs le 19 décembre 1870 ; 2 francs le 6 janvier 1871.
Les caves servaient d’abattoir.
Les arnaques étaient monnaie courante : un restaurant a cru acheter un éléphant ; c’était en réalité du cheval.Morceaux choisis :
Jamais l’art culinaire ne réussira à faire de la viande du bouc un mets potable. J’ai employé les acides oxalique, tartrique, nitrique, sulfurique, étendus d’eau ; il m’a été impossible de faire disparaître l’odeur.
J’ai connu des personnes qui, durant le siège, ont fait des fortunes énormes en usurpant le peuple.
Il est question d’une armistice. Les accapareurs font sortir des marchandises considérables.
MàJ : conjugaison
Je suis incapable de me rendre compte de ce que représentait concrètement le prix du rat dans un budget, mais l’inflation est impressionnante.
Et aussi pas mal de références à des animaux provenant du Jardin des Plantes. Il faut savoir !
Les arnaques étaient monnaie courante : un restaurant a cru acheté un éléphant ; c’était en réalité du cheval.
On tient peut-être l’explication.
Jamais l’art culinaire ne réussira à faire de la viande du bouc un mets potable. J’ai employé les acides oxalique, tartrique, nitrique, sulfurique, étendus d’eau ; il m’a été impossible de faire disparaître l’odeur.
Je serais curieuse de savoir ce qu’en dirait Hervé This. Mais quand même pas assez pour lui poser la question par mail.
Merci pour les sources, j’apprécie bien l’anecdote sur les oiseaux. Ça ne m’étonne pas du tout par temps de siège ; c’est plutôt que ça figure dans le Larousse gastronomique qui m’interpelle.
Après, depuis que j’ai appris que la baguette bien blanche c’est un héritage de le propagande anti-bosche de la première guerre mondiale (alors que c’est moins nutritif que du pain brun), je suis prêt à tout croire sure la gastronomie française.
J’aimerais bien mettre la main effectivement sur ce Larousse gastronomique. Il me semble avoir un peu cherché les sources, dans Unmentionable Cuisine, mais ne pas avoir trouvé de référence. Il va falloir que je fouille Gallica.
J’allais dire que j’avais tendance à me méfier de ce que les anglo-saxons peuvent dire de notre gastronomie, mais Calvin W. Schwabe est apparemment connu pour être le père de l’épidémiologie vétérinaire…



