La GĂ©orgie confirme son tournant autoritaire et pourrait rapidement changer de visage aprĂšs les Ă©lections lĂ©gislatives du 26 octobre. Le parti au pouvoir, RĂȘve gĂ©orgien, a commencĂ© sa campagne et dessinĂ© les contours de son programme, semant la stupeur et l’inquiĂ©tude parmi l’opposition gĂ©orgienne et les partenaires occidentaux de cette ex-rĂ©publique soviĂ©tique du Caucase.

En cas de victoire, RĂȘve gĂ©orgien a annoncĂ© qu’il interdirait le principal parti d’opposition, le Mouvement national uni, ainsi que « tous ses successeurs et affiliĂ©s ». « En rĂ©alitĂ©, toutes ces forces politiques ne sont qu’une seule et mĂȘme force politique : le Mouvement national collectif », lequel « sert des objectifs criminels », a argumentĂ© le 23 aoĂ»t le premier ministre, Irakli Kobakhidze, lors du lancement de la campagne. Le fondateur de RĂȘve gĂ©orgien et homme fort du pays, l’oligarque milliardaire Bidzina Ivanichvili, entend « dĂ©barrasser le pays de cette grave maladie une fois pour toutes ». M. Kobakhidze a prĂ©cisĂ© que cette interdiction entraĂźnerait la suppression du mandat des dĂ©putĂ©s d’opposition. « Il est inadmissible que les reprĂ©sentants criminels d’une force politique criminelle conservent le statut de dĂ©putĂ© au Parlement gĂ©orgien », a dĂ©clarĂ© le premier ministre.

Depuis son arrivĂ©e au pouvoir, en 2012, le parti n’a cessĂ© de diaboliser le Mouvement national uni, dirigĂ© par l’ancien prĂ©sident rĂ©formateur et grand rival de M. Ivanichvili, MikheĂŻl Saakachvili. Mais l’interdiction pure et simple des partis d’opposition marquerait un durcissement sans prĂ©cĂ©dent et ferait basculer le pays dans l’autoritarisme, dix mois seulement aprĂšs l’obtention du statut de candidat officiel Ă  l’Union europĂ©enne.

L’UE, principal bailleur de fonds de la GĂ©orgie avec les Etats-Unis, a fait part de sa prĂ©occupation, et appelĂ© Ă  respecter les principes fondamentaux de la dĂ©mocratie, « dont le pluralisme politique est un Ă©lĂ©ment-clé ». A Washington, le porte-parole du dĂ©partement d’Etat, Alex Raufoglu, s’est dit lui aussi « profondĂ©ment troublé », et a appelĂ© le gouvernement gĂ©orgien Ă  « revenir sur la voie de la dĂ©mocratie et de l’intĂ©gration euro-atlantique ».

« Valeurs traditionnelles » L’opposition gĂ©orgienne, qui dĂ©fend le rapprochement avec l’Union europĂ©enne, n’est pas la seule en ligne de mire. La rĂ©pression s’étendra aux personnes LGBT +, qui seront privĂ©es de leurs droits « au nom du maintien des valeurs traditionnelles ». Lors d’un discours devant ses partisans le 21 aoĂ»t Ă  Mtskheta, ancienne capitale et centre religieux de la GĂ©orgie, Bidzina Ivanichvili a dĂ©clarĂ© que « le soi-disant partenariat civil entre personnes de mĂȘme sexe, l’adoption d’un enfant par un couple LGBT, les opĂ©rations de changement de sexe, et la propagande LGBT dans les mĂ©dias et les Ă©coles » devaient ĂȘtre interdits par la Constitution. Il estime que « la propagation de l’idĂ©ologie pseudo-libĂ©rale devient de plus en plus dangereuse dans le monde et en GĂ©orgie », comme le prouverait, selon lui, la cĂ©rĂ©monie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris.

Le Parlement gĂ©orgien a d’ores et dĂ©jĂ  adoptĂ© en seconde lecture, mercredi 4 septembre, le projet de loi sur la « protection des valeurs familiales et des mineurs », ainsi que des amendements Ă  dix-huit lois, destinĂ©s Ă  priver les minoritĂ©s sexuelles de leurs droits. L’Union europĂ©enne a condamnĂ© le texte, adoptĂ© « sans consultations publiques appropriĂ©es », et qui « ne fera que tendre davantage les relations entre l’UE et la GĂ©orgie ».

Dans un communiquĂ©, le porte-parole de la Commission europĂ©enne, Peter Stano, rappelle que le processus d’adhĂ©sion de la GĂ©orgie Ă  l’UE est de facto « suspendu » depuis l’adoption, en juin, de la loi controversĂ©e sur les agents de l’étranger, calquĂ©e sur une loi russe et visant Ă  rĂ©duire au silence les mĂ©dias et la sociĂ©tĂ© civile. Il appelle les autoritĂ©s Ă  « revenir sur la voie de l’intĂ©gration dans l’UE ». Le paquet lĂ©gislatif anti-LGBT + devrait malgrĂ© tout ĂȘtre adoptĂ© en derniĂšre lecture lors de la session plĂ©niĂšre, du 17 au 20 septembre. Les dĂ©fenseurs des minoritĂ©s sexuelles affirment qu’il ne s’agit que d’une « premiĂšre Ă©tape » avant une rĂ©pression massive.

Rapprochement spectaculaire avec Moscou En cas de victoire aux Ă©lections, RĂȘve gĂ©orgien envisage Ă©galement de faire du christianisme orthodoxe la religion d’Etat, mais cette proposition, qui n’a pas encore Ă©tĂ© formulĂ©e publiquement, pourrait ĂȘtre abandonnĂ©e face au tollĂ© qu’elle a dĂ©jĂ  dĂ©clenchĂ© au sein mĂȘme de l’Eglise. Le haut clergĂ© gĂ©orgien redoute une « subordination » Ă  l’Etat, jugĂ©e « inacceptable ».

RĂȘve gĂ©orgien a, enfin, formulĂ© en des termes trĂšs vagues une promesse de restauration de l’intĂ©gritĂ© territoriale du pays. « Le systĂšme de gouvernance et la structure territoriale du pays devront ĂȘtre rĂ©visĂ©s, ce qui ne peut se faire sans changements constitutionnels », a dĂ©clarĂ© Bidzina Ivanichvili, sans dĂ©tailler. Les troupes russes occupent 20 % du territoire depuis la guerre avec la Russie en 2008, qui a entĂ©rinĂ© la perte des provinces sĂ©paratistes d’Abkhazie et d’OssĂ©tie du Sud.

Les autoritĂ©s gĂ©orgiennes ont opĂ©rĂ© un rapprochement spectaculaire avec Moscou depuis le dĂ©but de l’invasion russe de l’Ukraine, malgrĂ© une population Ă  plus de 80 % pro-europĂ©enne, selon les sondages. La loi sur les agents de l’étranger, saluĂ©e chaleureusement Ă  Moscou, oblige les ONG et mĂ©dias touchant plus de 20 % de financements venus de l’étranger Ă  s’enregistrer comme « organisation poursuivant les intĂ©rĂȘts d’une puissance Ă©trangĂšre » auprĂšs de l’Agence nationale du registre public.

Le dĂ©lai pour s’enregistrer volontairement a expirĂ© le 2 septembre. A cette date, 476 organisations avaient dĂ©posĂ© une demande auprĂšs du ministĂšre de la justice, a annoncĂ© Tamar Tkeshelashvili, la premiĂšre vice-ministre. Depuis le 3 septembre 2024, le ministĂšre a dĂ©sormais le droit d’enregistrer de force d’autres ONG et mĂ©dias, ainsi que d’imposer des amendes et de mener des activitĂ©s dites de « surveillance » au sein des organisations.

« Le RĂȘve gĂ©orgien a cessĂ© d’ĂȘtre un rĂȘve et s’est transformĂ© en cauchemar, Ă©loignant la GĂ©orgie de son objectif de longue date [l’intĂ©gration europĂ©enne] », a dĂ©plorĂ© le 2 septembre la prĂ©sidente gĂ©orgienne, dont le rĂŽle est essentiellement honorifique. SalomĂ© Zourabichvili a condamnĂ© le discours de Bidzina Ivaninichvili, qui a non seulement « dĂ©clarĂ© la guerre Ă  nos partenaires et les a qualifiĂ©s de parti [mondial] de la guerre, mais a aussi dĂ©clarĂ© la guerre Ă  son propre peuple ». Le scrutin du 26 octobre sera « dĂ©cisif », estime la prĂ©sidente. Selon elle, ces Ă©lections seront l’équivalent d’un « rĂ©fĂ©rendum » entre « l’Europe ou la Russie », « la dĂ©mocratie ou la dictature ».

  • @Valmond
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    Français
    2‱10 days ago

    Fucking Kremlin should just be abolished.