• Camus (il, lui)OP
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      fedilink
      81 year ago

      Vu du Royaume-Uni. La réussite discrète de l’économie française

      Secouée par des vagues de protestation contre la réforme des retraites puis par une violente contestation après la mort du jeune Nahel, la France ferait presque oublier sa réussite économique. Réputé pour ses impôts élevés, le pays affiche aussi un certain dynamisme et peut s’appuyer sur de bons indicateurs économiques, souligne “The Economist”.

      Cette année, jusqu’à présent, les Français ont tout fait pour donner l’image d’un pays en faillite. Par deux fois, ils sont descendus dans la rue, allant jusqu’à semer le chaos, ce qui a même abouti à l’annulation d’une visite d’État [celle de Charles III]. Dans un premier temps, ils se mobilisaient contre le relèvement de l’âge de la retraite, mesure destinée à combler le déficit du système de retraites publiques. Ensuite, les émeutes provoquées par la mort d’un jeune de 17 ans abattu par la police sont venues rappeler combien il est difficile de maintenir l’ordre dans les quartiers sensibles. Le président Emmanuel Macron et son gouvernement minoritaire semblent naviguer de crise en crise.

      Pourtant, au-delà des gros titres de l’actualité, la France ne laisse pas d’étonner le reste du monde. Comment un pays à ce point rétif au changement, ayant le goût de la révolte et croulant sous les impôts, parvient-il à tirer si bien son épingle du jeu ? Récemment, la France a même affiché de meilleurs résultats que ses grands partenaires européens. Depuis 2018, la croissance cumulée du PIB en France, quoique modeste, a été le double de celle de l’Allemagne et a dépassé celle de la Grande-Bretagne, de l’Italie et de l’Espagne. Nucléaire et géants du luxe

      De fait, d’après certains indicateurs, la France fait preuve d’une vitalité étonnante par rapport à ses quatre plus grands voisins européens. Ce qui résulte pour une large part de décisions historiques. Le réseau TGV (et non polluant) de la France, lancé dans les années 1980, est bien plus développé non seulement que celui des États-Unis, mais aussi que ceux de ses grands partenaires européens. De plus, la production d’électricité hexagonale est l’une des moins émettrices de CO2 en Europe, non pas grâce aux énergies renouvelables mais à son industrie nucléaire, apparue dans les années 1970. Cette dernière fournit encore 66 % de l’électricité française, malgré les problèmes de maintenance que les 56 réacteurs du pays ont connus l’année dernière. Il est prévu de construire six réacteurs de nouvelle génération.

      Ces résultats sont aussi liés à des choix plus récents. La France compte davantage d’entreprises dans le top 100 mondial, en capitalisation boursière, que n’importe quel autre pays européen. Ce qu’elle doit en grande partie à ses géants du luxe, dont la rentabilité et l’importance se sont fortement accrues depuis dix ans. Les marques françaises du luxe ont été plus rentables en 2022 que les entreprises américaines des hautes technologies. Trois des grandes sociétés mondiales du secteur du luxe – LVMH, Hermès et Dior – sont françaises. Développement de la tech

      Mais l’économie hexagonale ne se limite pas à des pochettes en cuir cousues main. La France héberge aussi la plus grande banque de la zone euro, la BNP Paribas. Entre 2017 et 2022, le pays a augmenté sa part des exportations mondiales d’armes de quatre points, pour atteindre 11 %. L’année dernière, la France a déposé plus de brevets que la moyenne de ses grands voisins européens, et près de deux fois plus que la Grande-Bretagne. Sur un plateau boisé au sud de Paris, le gouvernement investit des milliards dans un pôle d’innovation autour de Saclay, destiné à devenir un “French MIT”.

      • Camus (il, lui)OP
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        fedilink
        91 year ago

        La Grande-Bretagne et l’Allemagne continuent d’abriter le plus grand nombre des 100 premières licornes d’Europe, c’est-à-dire des entreprises non cotées en bourse dont la valeur est supérieure à 1 milliard de dollars. Pourtant, la scène des startups à Paris a été transformée. Des pionniers comme Xavier Niel sont devenus des figures de l’establishment. En 2019, M. Macron a promis que la France produirait 25 licornes technologiques d’ici 2025 ; ce chiffre a été atteint l’année dernière. “Les diplômés des écoles de commerce préféraient auparavant la sécurité des grandes entreprises”, explique Frédéric Mazzella, directeur de BlaBlaCar, une entreprise française de covoiturage qui a été l’une des premières licornes à voir le jour. "Aujourd’hui, il est devenu cool d’être un entrepreneur dans le domaine de la technologie.

        Comment expliquer cette performance française sous-estimée ? L’un des facteurs récents est le renouveau mondial de l’interventionnisme étatique, nouvellement à la mode même aux États-Unis et en Grande-Bretagne. En France, cette tradition remonte au ministre des finances de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert, et a été ravivée par les planificateurs centraux du gouvernement après la Seconde Guerre mondiale sous le nom de “Plan”. L’Union européenne est aujourd’hui moins stricte en matière de subventions publiques, ce qui permet à la France de laisser libre cours à ses instincts fondamentaux.

        Prenons l’exemple des quatre gigafactories en cours de construction dans la “vallée des batteries”, dans le nord de la France. Cette vallée s’étend du port de Dunkerque à Douvrin et Douai, dans l’ancien bassin minier. Lorsqu’elle sera pleinement opérationnelle, ou si elle l’est, la France deviendra l’un des plus grands producteurs de batteries électriques d’Europe. Les aides de l’État ont contribué à convaincre ProLogium, une entreprise taïwanaise, de construire l’usine à Dunkerque. Roland Lescure, ministre français de l’industrie, affirme qu’il ne s’agit pas seulement de subventions, mais aussi d’un “approvisionnement en énergie fiable et à faible émission de carbone”, de “procédures de planification accélérées et de la croissance de l’écosystème des batteries”. Les batteries sortiront de la chaîne de production de Douvrin cette année, deux ans seulement après le dépôt de la première demande de permis de construire.

        Une deuxième explication est l’affinement d’un ensemble de préférences sociales. Les Français révolutionnaires aiment à penser que leur société est devenue profondément inégalitaire. Ce sentiment est renforcé par l’explosion de la richesse des milliardaires, alors que l’inflation comprime les budgets des gens ordinaires. Cette année, Bernard Arnault, à la tête de l’empire du luxe LVMH, est devenu pour un temps l’homme le plus riche du monde, avec 211 milliards de dollars (avant de céder sa place à Elon Musk). En 2022, six des dix premiers milliardaires européens étaient français. M. Macron, qui a réduit l’impôt sur la fortune à un simple impôt sur les hôtels particuliers, est considéré par ses détracteurs comme le président des riches déterminé à assouplir la protection du travail et à réduire les avantages sociaux.

        Pourtant, sous la direction de M. Macron, la France est parvenue à combiner une attitude plus favorable à la création de richesses avec un État-providence qui corrige encore mieux les inégalités que ses grands voisins. Le taux de pauvreté en France est bien inférieur à la moyenne de ses voisins européens, et un peu plus de la moitié de celui des États-Unis. L’enseignement maternel, qui a fait ses preuves pour améliorer les chances des groupes à faibles revenus, est désormais obligatoire à partir de l’âge de trois ans. Les Français vivent en moyenne six ans de plus que les Américains et sont beaucoup moins nombreux à souffrir d’obésité. Le taux de chômage, qui s’élève à 6,9 %, n’a jamais été aussi bas depuis 15 ans. Malgré les réformes de M. Macron, l’État français prélève toujours plus d’impôts en pourcentage du PIB que n’importe quel pays de l’OCDE, à l’exception du Danemark, et consacre plus d’argent aux dépenses sociales.

        Un dernier facteur est la stabilité politique. M. Macron est le premier président depuis 20 ans à être réélu. Bruno Le Maire a été ministre des finances pendant la plus longue période consécutive sous la Cinquième République. Les deux hommes ont promis de ne pas augmenter les impôts et s’y sont tenus. La conférence annuelle des grands patrons étrangers, invités par M. Macron à “choisir la France”, est devenue un événement d’élite très prisé. Cette année, plus de 200 d’entre eux sont venus dîner à Versailles et ont annoncé conjointement 13 milliards d’euros (14,4 milliards de dollars) d’investissements supplémentaires. Morgan Stanley a presque doublé ses effectifs à Paris. Pfizer double son investissement dans le pays pour le porter à 1,2 milliard d’euros au cours des quatre prochaines années. “La réalité est qu’il existe une tendance à long terme vers une plus grande attractivité”, déclare Ludovic Subran, économiste en chef chez Allianz, un assureur allemand.

        La France n’a pas tout réussi, loin de là. Les normes des écoles publiques et l’accès des régions aux services de santé suscitent de réelles inquiétudes. La politique reste polarisée et la société anxieuse. Les salaires réels moyens sont restés stables et n’ont pas augmenté comme en Amérique. Toutes les subventions françaises et tous les projets d’infrastructure ont un prix exorbitant. Les finances publiques sont mises à rude épreuve, en partie à cause du plafonnement des factures d’énergie visant à protéger les consommateurs de la crise du coût de la vie, qui ne s’estompe que lentement. La France n’a pas équilibré le budget de l’État depuis la naissance de M. Macron.

        Pourtant, alors que les Français montent à bord de trains ultrarapides en route vers leurs vacances d’été, d’une durée enviable, le modèle français continue de défier ceux qui prédisent son effondrement. Une analyse récente de Sam Bowman, un commentateur britannique, s’interroge sur la richesse relative de la France, malgré des impôts élevés et un droit du travail strict. De meilleures infrastructures, une planification et une offre de logements plus simples, des services de garde d’enfants moins chers et une énergie abondante semblent l’expliquer. “La France se trompe tellement, conclut-il, et pourtant elle s’en sort plutôt bien sur les critères de mesure qui comptent vraiment.”